Le recyclage du plastique n’est plus un remède, c’est une illusion. Tandis que les discours institutionnels brandissent l’économie circulaire comme un totem écologique, la réalité du terrain est brutale : le monde produit toujours plus de plastique vierge, et moins d’un dixième provient de matières recyclées. Un constat accablant, qui révèle l’ampleur d’un système verrouillé par les intérêts fossiles et l’immobilisme politique. Décryptage avec Jean Fixot de Chimirec !

Une production dopée aux énergies fossiles

En 2022, la planète a produit quelque 400 millions de tonnes de plastique, dont 98 % à base de ressources fossiles. Le chiffre est glaçant : seuls 9,5 % provenaient de plastique recyclé. Autrement dit, le plastique continue d’être massivement conçu pour mourir, et non pour renaître. La dépendance aux hydrocarbures n’est pas un détail, avec 44 % du plastique mondial issu du charbon, dopé par la Chine, premier producteur mondial. Le pétrole représente environ 40 %, et le gaz naturel 8 %. Le plastique biosourcé ? A peine 2 %. Une goutte d’écologie dans un océan de pétrole.

Ce modèle industriel n’a qu’un seul carburant, à savoir le court-termisme économique. Tant que produire du neuf coûte moins cher que recycler, l’équation ne changera pas. Et tant que les coûts environnementaux ne seront pas intégrés dans les prix de production, les plastiques vierges continueront de dominer les chaînes logistiques mondiales.

Le recyclage, un miroir aux alouettes

Officiellement, près de 28 % des déchets plastiques sont triés pour être recyclés, mais sur les 268 millions de tonnes générées, seules 38 millions — soit 14 % — sont réellement recyclées. Le reste ? Incinéré, enfoui ou abandonné. Un chiffre qui expose un double mensonge, celui d’un tri présenté comme efficace, et celui d’un recyclage supposé circulaire. Les causes ? Elles sont connues, allant du tri imparfait à l’absence de débouchés commerciaux, en passant par les matériaux contaminés et le recyclage mécanique peu performant. S’y ajoutent les limites physiques du matériau lui-même, car il faut savoir qu’un plastique ne se recycle pas indéfiniment. Après une ou deux boucles, il devient inutilisable.

Pire encore, certains pays masquent leur sous-performance derrière des statistiques flatteuses. En Europe, 38 % des déchets plastiques sont incinérés, mais cette combustion est comptabilisée comme valorisation. Une contorsion comptable qui évite les mauvaises notes, tout en continuant à émettre du CO₂.

Une gestion mondiale éclatée, des responsabilités diluées

Le traitement du plastique est aussi inégal que les niveaux de développement… Le Japon incinère 70 % de ses plastiques avec des rendements énergétiques élevés, faute d’espace pour les décharges. La Chine suit avec 60 %, dans le cadre de son programme « zéro décharge ». Les États-Unis, eux, enterrent 76 % de leurs déchets, tout en recyclant moins qu’en 2015. En Afrique, le recyclage repose en grande partie sur l’économie informelle, sans cadre sanitaire ni régulation. Des milliers de personnes, invisibles dans les bilans officiels, trient et valorisent des tonnes de plastique pour survivre. Malgré sa précarité, ce système reste pourtant un rempart, certes fragile, contre l’effondrement écologique local.

En Europe, les pays du Nord concentrent les flux de déchets plastiques, désormais contraints par la Convention de Bâle. L’export de déchets mal triés devient illégal, obligeant les États à assumer leurs propres résidus. La promesse du « recycler ailleurs » s’effondre. L’heure est à l’internalisation.

Un système sous influence fossile

Pourquoi une telle inertie, malgré les urgences climatiques et environnementales ? La réponse est politique. Tant que le plastique vierge restera ultra compétitif, les lobbys pétrochimiques freineront toute réforme contraignante. Le recyclage, brandi comme solution miracle, sert surtout à retarder la transition. Le geste récent de Donald Trump, rétablissant l’usage des pailles en plastique dans l’administration américaine, illustre à merveille cette logique de régression. Sous couvert d’anecdote populiste, c’est tout un symbole de renoncement environnemental. Une démonstration de force des intérêts industriels, confortés par l’État.